Est-ce bien raisonnable d’aller se faire épiler local en voyage ?

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C’était dans votre to-do list entre « masque de plongée » et « passeport » : « ÉPILATION ». Et puis voilà, votre mère a appelé une énième fois pour savoir si vous aviez bien pris de la crème solaire et de l’Imodium,« Parce qu’avec Papa la première fois qu’on est partis, je te raconte pas ». Elle vous a raconté. Bref… Il est 20h, votre valise est enfin bouclée, dégueulant d’Imodium. Les salons de beauté ont fermé. Décollage tôt demain matin et vous ressemblez au yéti. Dans moins de 24h, vous serez en bikini sur la plage pour votre premier voyage avec votre chère moitié. Deux choix s’offrent à vous pour que ce ne soit pas le dernier : sacrifier trois boîtes d’Imodium et emporter une bonne dizaine de rasoirs jetables (ça fait deux mois que vous êtes en jachère histoire de rentabiliser l’opération) ou aller gouter aux joies de l’épilation à la mode locale. Votre mère vous l’a toujours dit, vous êtes une aventurière alors vous optez pour la seconde option. Mais est-ce bien raisonnable de se faire épiler local en voyage ?

 

Car confier sa délicate peau d’occidentale à des mains inconnues, c’est un peu comme expliquer à un médecin philippin qu’on a besoin d’une opération à cœur ouvert, sans parler l’espagnol. Délicat. Et hautement risqué. Les récits et les conseils de vos potes vous reviennent en mémoire. Le Brésil où votre amie à la pilosité débordante (qui a souhaité garder l’anonymat) s’est vue appliquer, et donc retirer, une unique bande de cire d’un demi mètre de long sur une bonne dizaine de centimètres de large par une femme au visage masqué, comme s’il s’agissait d’une opération de désinfection anti-Ebola. Le hammam tunisien où cette autre réalisa avec horreur que les bandes de cire qu’on lui appliquait étaient pleines de poils noirs. Étrange pour une vraie blonde.

Tant pis. À peine votre valise d’Imodium jetée sur le lit king size de votre chambre d’hôtel, vous cherchez frénétiquement la traduction de « salon de beauté » en malais dans votre mini-guide. Dehors, le taux d’humidité est de 80% mais vous arborez toujours votre jean slim. Vous poussez la porte de ce qui vous semble être un institut de beauté. De jeunes femmes en blouse blanche vous sourient. Vous trouvez ça louche. Ici, on ne s’embarrasse pas de périphrases : point de SIF, pour sillon interfessier, ou de maillot « sexy ». On appelle un chat un chat et donc une… Votre hôtesse acquiesce à toutes vos questions. Même quand vous lui demandez le tarif. À l’évidence, le courant ne passe pas. Vous capitulez.

À ce moment-là vous ne faites plus qu’un avec votre slim. Vous mobilisez vos dernières forces pour vous en extirper, écartelée par une Malaisienne à chaque pied. Des torrents de sueur dégoulinent sur vos tempes. Vous vous installez, les néons dansent au-dessus de vos yeux, c’est le malaise. Votre esprit divague. Et si à chaque pays correspondaient des modes épilatoires : la coupe Maradona à Buenos Aires, le mulet à Porto, la coupe au bol à Pékin, la Kim Jong-il cup en Corée du Nord, l’afro en Afrique, les dreadlocks en Jamaïque.

Vous reprenez vos esprit. C’est terminé. Vous n’osez regarder le carnage. Vous prenez une grande inspiration. Et là, miracle : tout est normal, RAS. Votre peau est douce et nette, comme dans la pub.

 

Vous sortez la tête haute de cette folle aventure. Décidément, votre mère avait raison, vous êtes vraiment une aventurière. Vous avez même de quoi vous fendre auprès de votre compagnon d’un petit topo féministe sur les standards de beauté, l’uniformisation culturelle, et tutti quanti. « Même les poils, tu te rends compte ! » Vous criez au complot machiste et à la dictature de l’épilation. De quoi inaugurer votre lune de miel par une bonne engueulade. Mais sans poil aux pattes.

 

La rédaction

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