Est-ce bien raisonnable de rapporter tous ces alcools locaux de vos voyages ?

denver-bieres-brasserie-okok

 

« Tu vas voir, j’ai de l’Amarula pour l’apéro. J’ai rapporté ça d’Afrique du Sud il y a deux ans. C’est un mélange de crème et de baies sauvages. Tu vas adorer ! Nous, on n’arrêtait pas d’en boire là-bas, c’est une tue-rie». Et vous voilà, en plein cagnard provençal, à deux mètres du barbecue et de ses chipos fumantes en train de vous fader cette improbable boisson râpeuse, épaisse, liquoreuse, à mi-chemin entre le Baileys et le Carambar glacé, alors que vous ne rêviez que d’une seule chose : d’un bon pastis bien frais. Celui qui étancherait si bien votre soif. Celui qui vous ferait doucement glisser vers l’heure bénie de la sieste. Mais non. Patatras. Amarula. Une fois de plus, vous avez cédé aux sirènes de l’exotique vantées par vos potes voyageurs.

 

Après tout, n’avez-vous pas, vous aussi, rapporté du raki de votre weekend à Istanbul ? Raki qui gît depuis dans le placard de la cuisine, coincé entre le cidre de glace canadien et l’exotique arak indonésien. Alors, était-ce bien raisonnable de rapporter tous ces alcools locaux de vos voyages ?

S’il y a bien une chose dont Gizèle est sûre, c’est que la boisson alcoolisée locale n’a jamais la même saveur que quand elle est consommée sur place. Un verre d’arak après une session de plongée à Florès ? Mais volontiers ! Un pisco bien frais avant un en-cas face au Machu Picchu ? Évidemment ! Il y a même encore mieux que ces petits verres épars, disséminés tout au long de nos itinéraires balisés : la cuite à l’alcool local. La beuverie au tord-boyau du coin est l’orgasme du voyageur, le coït de la biture internationale, le passage obligé pour qui veut réussir son voyage. Rien n’est plus doux aux yeux du baroudeur que de se plonger toute alcoolémie hurlante dans les vapeurs de la boisson locale. On en ressort cassé(e), lessivé(e) parfois même aveugle (bonheur de l’alcool maison) mais toujours heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage.

Pourtant, une fois rentré(e) en France, le mythe s’effondre. Qui a déjà volontairement réclamé du brennivín à l’apéro, l’eau-de-vie islandaise à base de pomme de terre parfumée au carvi ? Qui boit de l’aquavit norvégienne avec son cassoulet ? Personne. Ce serait comme porter un costume Armani en pleine jungle amazonienne. Comme mettre ses chaussures de trek pour un premier rdv. Un décalage. Une sensation de n’importe quoi. Songez-y : à quoi ressemblerait une cuite à l’arak indonésien dans votre 30 mètres carrés parisien ? À rien.

 

Et après tout, pourquoi pas ? Il y a dans ces petits shooters éphémères un doux parfum de déjà vu, une sensation de reposer ses valises au bout du Cap de Bonne Espérance ou au fin fond de la pampa argentine. Les souvenirs remontent. Et si c’était ça le prozac du voyageur, celui qui permet de tenir entre deux départs ?

« Une autre Amarula ? »

 

Processed with VSCOcam with f2 preset

La rédaction

Retrouvez tous les "Est-ce bien raisonnable ?" de Gizèle ici.