Californie : Bodie, la maudite ville fantôme

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  • 1/16 Bodie, Californie

  • 2/16 Ville fantôme , Bodie

  • 3/16 Saloon, Bodie

  • 4/16 Bodie, Californie

  • 5/16 Bodie, Californie

  • 6/16 À l'intérieur des maisons, Bodie

  • 7/16 Bodie, Californie

  • 8/16 Salle de classe, Bodie

  • 9/16 Une chambre, Bodie

  • 10/16 Bodie, Californie

  • 11/16 Bodie, Californie

  • 12/16 Bodie, Californie

  • 13/16 Bodie, Californie

  • 14/16 Bodie, Californie

  • 15/16 Bodie, Californie

  • 16/16 À travers la vitre, Bodie

La fin de la route qui mène à Bodie est une piste de terre en mauvais état. Cinq kilomètres de nids-de-poules, de poussière et de graviers conduisent jusqu’à ce qu’il reste du centre-ville. Chaque nouvelle secousse nous éloigne un peu plus du monde moderne. Nous sommes à presque trois mille mètres d’altitude, à la fin du mois de mai. Dehors il neige et des nuées de flocons nous fouettent le visage. La Californie, terre de soleil, de corps bodybuildés et de seins refaits sur Venice Beach ? Foutaises. À Bodie, personne n’a vu l’ombre d’un mini-short depuis longtemps. Il fallait donc avoir une furieuse envie de faire fortune pour accepter de passer l’hiver ici.

 

L’histoire de Bodie est l’histoire classique des villes minières du Far West. En 1859, des pionniers découvrent un gisement d’or et des milliers de mineurs en quête de richesse affluent vers ce nouvel eldorado. La ville prospère en quelques mois. À son apogée, en 1880, Bodie est même considérée comme la deuxième ville de Californie, avec près de 10 000 habitants. Elle possède une fanfare, une équipe de baseball, et pas moins de soixante cinq saloons pour étancher la soif des chercheurs d’or. Mais les ressources s’épuisent et la ville se vide rapidement de ses habitants. Au début des années soixante, Bodie devient officiellement une « ville fantôme ».

Aujourd’hui, la meilleure façon de visiter la ville est de s’y perdre, de marcher frénétiquement de maison en maison et de coller son nez à chaque fenêtre. On met alors ses mains autour de ses yeux, entre son visage et le carreau, et on entrevoit chaque détail. Depuis cinquante ans, rien ne semble avoir bougé. Magie des reconstitutions. À Bodie, le temps s’est arrêté. Des habits sont toujours suspendus dans les placards, des outils attendent encore sur les établis. Au sol, des jouets d’enfants, des livres et des chaussures témoignent de la vie quotidienne de l’époque. La leçon du jour est encore écrite à la craie sur le tableau de l’école et des verres traînent sur le comptoir du saloon. On ne serait même pas surpris de débarquer Jesse James et sa bande.

 

Bodie avant, c’était le Far West. Le vrai.

 

À l’époque, la réputation sulfureuse de Bodie dépassait d’ailleurs largement les frontières du comté : hold-up, prostitution, règlements de comptes devant le saloon et fumeries d’opium dans le quartier chinois étaient le lot quotidien des habitants de la ville. Bodie, c’était le Far West. Le vrai. Celui où on se retrouve abattu dans le dos par Bufford Tannen de Retour vers le futur, pour un différent de quatre-vingts dollars.

 

Et comme toute ville fantôme, Bodie a aussi sa malédiction. Dans le minuscule musée de Main Street, la rue principale de la ville, des visiteurs racontent qu’après avoir ramassé une pièce de monnaie, un morceau de céramique ou même une fleur lors de leur passage à Bodie, le mauvais sort s’est abattu sur eux.  De la simple mort d’un poisson rouge à la découverte d’une grave maladie, en passant par une faillite ou un accident de voiture, les histoires s’entremêlent et font vivre la légende. Dans leurs lettres, les voleurs s’excusent d’avoir offensé les esprits de Bodie et prient les Rangers en charge du lieu de bien vouloir remettre à sa place leur larcin. Ils s’espèrent ainsi libérés de la malédiction. Avant de remonter dans la voiture, nous vidons consciencieusement nos chaussures du moindre gravillon. Sait-on jamais.