La Croatie est-elle une destination de voileux ?
Oui. En pleine saison (juillet-août), ne vous attendez pas à être seul sur l’eau. L’été, des hordes de touristes débarquent dans les marinas et prennent d’assaut les côtes. Pour éviter de vous retrouver noyés dans la masse, un conseil : depuis Split, voguez plutôt vers le nord du pays et vers la réserve des îles Kornati. La légende raconte que le sud est une espèce de Saint-Tropez version croate, où l’on boit des coups partout, tout le temps, et à toute heure, et où l’on se retrouve littéralement les uns sur les autres. Une option à considérer si vous voulez faire des rencontres mais que nous vous déconseillons si vous souhaitez fuir la multitude. Pour notre part, nous avons opté pour la quiétude, la solitude et les paysages à tomber du nord. Tant pis pour le mélange des fluides et des crèmes solaires. Dans ces coins-là, vous serez seuls au mouillage et vous pourrez quand même boire des coups sur le pont de votre bateau à moitié nus. Dans les Kornati, des chapelets d’îles pelées, désertes et ponctuées de criques aux eaux cristallines semblent posées là, prêtes à vous accueillir et à vous couper de toute civilisation le temps d’un séjour à quelques kilomètres à peine de la côte. Une dernière chose en passant : le coin regorge de nudistes. Préparez-vous donc à saluer de la main l’air de rien des hommes et des femmes entièrement nus à la barre de leur voilier. Côté sexe, on n’est pas au Cap d’Agde non plus. Rassurez-vous, point de partouze sur les bateaux et aucun risque de tomber sur un os en pleine session de plongée sous-marine.
Comment louer un voilier en Croatie ?
Le pays ne manque pas de loueurs. Le français Midi Nautisme possède un partenaire sur place : Jadranka Yachting. Pour un Sun Odyssey 39i équipé de trois cabines deux places et d’un carré (soit une capacité de 8 personnes), la location coûte 1990 euros la semaine. S’ajoutent à cela 150 euros de nettoyage obligatoires et un euro par jour de taxe touristique par personne. Sur un voilier, l’intimité n’a AUCUNE place. Amateurs d’espace vital, passez votre chemin. Pendant une semaine, vous serez serrés comme des sardines et vous partagerez le moindre bruit, le moindre ronflement et la moindre conversation avec vos voisins de chambrée. Mais ce sera drôle, c’est promis. Et cela vous rappellera sans doute vos séjours au ski de lycéens, quand vous louiez un studio à douze pour éviter de payer trop cher. Côté prix justement, vous devriez vous en sortir pour environ 2200 euros la semaine tout compris, sans compter la caution de 1800 euros, que vous récupérerez (si tout va bien) à la fin. Attention, pour louer un voilier en Croatie, il faut être titulaire du permis mer et du certificat VHF (le fameux Delta-Charlie-Delta.)
Du coup, n’importe qui peut naviguer, même sans expérience ?
Non, jeunes padawans. Si en théorie, toute personne qui possède un permis et un certificat VHS peut naviguer, mieux vaut tout de même avoir un minimum d’expérience pour espérer récupérer sa caution à la fin du séjour. Pour évaluer votre niveau, voilà, en gros, ce qu’il faut savoir faire : anticiper la météo et l’itinéraire, histoire de ne pas vous prendre une tempête en pleine mer ou pendant la nuit au mouillage, maîtriser le mouillage pour ne pas vous échouer sur les rochers ou vous retrouver à passer la nuit en pleine houle, en pyjama et enfin savoir utiliser les voiles si vous ne voulez pas passer la semaine au moteur. Si telle est votre intention concernant ce dernier point, autant louer un bateau à moteur, vous aurez plus de place pour bronzer à l’avant et pour jouer aux cartes une fois la nuit tombée.
Quel est le modèle de voilier idéal si on part à deux ? Et entre potes ?
Tout dépend du confort que l’on recherche et de la technique de manœuvre du skipper. Le top du confort, c’est le catamaran. Il a aussi l’avantage d’avoir un faible tirant d’eau, c’est-à-dire peu de profondeur sous l’eau, et de permettre ainsi de vous approcher beaucoup plus du bord qu’avec un monocoque. Le petit souci, c’est qu’il est large comme un hummer maritime (sans le côté bling bling, rassurez-vous). Ce sera donc difficile de trouver une place au port. Côté monocoques, pour six personnes, un bateau de 36 à 40 pieds fait très bien l’affaire. Si on part à deux, un petit voilier est idéal. Les Dufour et les Sun Odyssey sont vraiment bien. Ils se révèlent souvent plus solides et confortables que les Bavaria, qui restent malgré tout plus répandus chez les loueurs.
Faut-il emporter une carte de la côte ou existent-ils des outils digitaux pour naviguer ?
En général, comme pour un itinéraire de trek, mieux vaut repérer un minimum le plan d’eau sur lequel vous allez naviguer. Cela est d’autant plus vrai en Croatie, vu le nombre impressionnant d’îles et de hauts-fonds qui jalonnent la côte. En principe, n’importe quel bateau de location est équipé d’un GPS. Pour le reste, deux approches sont possibles. Vous pouvez opter pour une approche à l’ancienne : à la carte, à la main, avec une loupe, un pendentif dent de requin et une casquette de capitaine. La grosse classe. Vous trouverez des cartes à bord mais dans le doute, mieux vaut acheter les vôtres avant de partir. Si vous êtes plutôt du genre Tabarly 2.0, ambiance smartphone, enceinte bluetooth, petit maillot cintré et lunettes de soleil connectées, des applications de navigation existent sur iPad ou sur smartphone. Pour notre part, nous avons utilisé Navionics, qui s’est avérée très pratique. En achetant la carte Méditerranée et mer Noire pour une vingtaine d’euros, finis les compas et les règles CRAS, vous voilà connectés par satellite, avec plein de petits jouets en main : géolocalisation, routes automatiques entre deux points, etc. Seul bémol : attention à votre batterie, surtout si vous enchainez les mouillages et que vous ne pouvez pas brancher votre téléphone pour le recharger. En effet, les prises fonctionnent uniquement lorsque vous êtes branchés à quai. Poster des selfies poulpes sur Facebook ou naviguer avec son smartphone, il vous faudra choisir.
Combien coûte un mouillage ? Une bouée ? Une place au port pour la nuit ?
Le mouillage, c’est un peu la version maritime du camping sauvage. On se trouve un crique paradisiaque, on vérifie qu’il n’y a pas de décharge sauvage ou de troupeaux de méduses amassées et on jette l’ancre où bon nous semble avant de piquer une tête. Le mouillage a l’avantage de permettre une liberté de déplacement totale et d’être entièrement gratuit. Certaines criques sont équipées de bouées. Pas de port, pas de quai, mais des amarres qui permettent de ne pas avoir à jeter l’ancre et d’être bien accroché en cas de tempête. Il y a souvent du monde dans les criques à bouées, et celle-ci sont payantes, entre 20 et 40 euros la nuit. Pas donné donc, d’autant que vous pouvez mouiller n’importe où ailleurs. Ultime option : le port ou la marina. Une place au port permet d’être à l’abri, de se brancher histoire de charger les batteries, de faire le plein d’eau et d’aller boire des rhums purs dans les bars de marins du coin. Comptez environ 50 à 90 euros par jour pour un bateau de moins de 12 mètres. Sachez qu’en matière de voile, en Croatie, tout est relativement neuf mais absolument hors de prix et que beaucoup de structures acceptent l’euro.
À quel style de mer dois-je m’attendre en Croatie ?
Méfiez-vous de la météo, qui reste difficile à prévoir. Celle-ci peut se montrer capricieuse avec des coups de vent et des grosses tempêtes. Les caprices sont beaucoup plus fréquents dans le nord du pays que dans le sud, vérifiez donc la météo quotidiennement. Malgré tout, l’été, les conditions sont globalement bonnes, nul besoin d’emporter avec vous un pantalon étanche comme lors d’une session voile en Bretagne. À titre d’exemple, en une semaine, nous avons eu moins de 11 nœuds de vent soit 20 km/h. En bref, une mer d’huile, digne d’une piscine.
Peut-on plonger et pêcher n’importe où en Croatie?
Vous pouvez faire du snorkeling partout, le tout est d’être équipé d’un masque et d’un tuba. Un conseil là-encore, achetez votre équipement avant de partir, car le bon matériel est très cher dans les marinas. En revanche, mis à part dans les îles Kornati, les fonds ne sont pas particulièrement spectaculaires. Côté pêche, c’est un peu le même constat. Si vous avez l’habitude, vous pouvez espérer pêcher quelques poulpes, des rougets et une ou deux dorades, histoire d’impressionner vos potes dénués de dextérité et de souffle, mais ce ne sera pas la fête de la pêche non plus. En revanche, les fonds marins regorgent d’oursins. De quoi changer de l’éternel cocktail chips/cacahuètes à l’apéro. Attention, il est interdit (sauf moyennant un dessous de table conséquent) de pêcher dans les îles Kornati, prévoyez donc quand même quelques pistaches bon marché et des chips aux crevettes si vous comptez passer du (bon) temps dans la réserve.
J’ai peur de m’ennuyer. Ya quoi à faire au juste la journée sur un voilier ?
Évidemment, si vous êtes du genre hyperactif et ultrasportif autant opter pour un trek en Himalaya ou une aprem de canot à glace par – 30 degrés sur un fleuve gelé. Mais si l’idée d’allier farniente et baignade vous convient, que vous aimez lire, discuter et prendre l’apéro face au coucher du soleil, alors vous ne vous ennuierez pas sur un voilier. Ni plages bondées ni eaux surpeuplées à déclarer. Dans les criques, vous goûterez à la joie d’être seul et de profiter de l’eau à votre rythme. Vous pourrez donc nager le papillon ou la brasse coulée autant de temps qu’il vous plaira, et alterner session de snorkeling, cueillette d’oursins et séance de plongeons sur la proue du voilier. Enfin, il y aura quand même quelques manœuvres à faire, ce qui contribuera à vous faire vous sentir bien dans votre corps et dans votre esprit, comme après une séance de muscu au Club Med Gym.