Hawaii : Road-trip dans la démesure du sud de Kauai

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  • 1/7 Polihale Beach, Kauai Plage Polihale Beach Hawai

  • 2/7 Waimea Canyon, Kauai Waimea Canyon hawai ile de kauai

  • 3/7 Poipu, Kauai Poipu Hawai

  • 4/7 Paradise Car Rental, Kauai Paradise car rental hawai kauai location de voitures

  • 5/7 Nawiliwili Beach, Kauai Nawiliwili Beach Hawai Kauai

  • 6/7 Environs de Kapaa, Kauai Environs de Kapaa Hawai Kauai

  • 7/7 Na Pali Coast, Kauai Na Pali Coast hawaii kauai

 

 

« Enjoy the ride, dude ! » « Thanks ! Et pour conduire une automatique… ? » Trop tard. Le baggy et la casquette de Tony – le loueur de voitures le plus cool du Pacifique – voguent déjà vers l’un des bars disséminés le long de la rue principale de Kapaa, gros bourg de la côte est de Kauai. Fuck it. D pour drive, P pour park, le reste on verra bien. Vous voilà donc au volant d’un pot de yaourt défoncé, qui trahira irrémédiablement votre statut d’Européen parmi les gros 4×4 des Hawaïens. Avec un choix simple : sud ou nord de l’île hawaienne de Kauai ?

 

Va pour le sud, cette fois. Tant pis pour la jungle du nord. Passées Kapaa et Lihue, la capitale administrative de l’île où s’allonge la très fréquentée et surtout bien-nommée, plage de Nawiliwili, la Highway pique vers l’ouest, jusqu’à l’embranchement avec la route menant à Poipu. En termes d’embranchement, la route en question est un incroyable tunnel végétal, comme quand on roule en Beauce et qu’il y a des platanes qui surplombent la chaussée, mais en mieux, parce que Kauai, c’est mieux que Malesherbes.

Au bout, Koloa, bourgade endormie aux faux airs de Far West, et plus loin, Poipu, grande station balnéaire un peu caricaturale du tourisme hawaïen, surtout destinée aux couples de l’Arkansas en honeymoon, et dont on peut donc se dispenser si l’on vote démocrate. Certes, ses plages sont superbes, mais ailleurs, elles sont sublimes.

De retour sur la Highway, go west, en direction de Hanapepe. Après quelques kilomètres, Gizèle recommande de prendre sur la gauche la Halewili Road, qui trace en ligne droite à travers les plantations de café vallonnées. A Hanapepe, on peut faire le mini-crochet par le mignon centre-ville, même si le panneau « Historic Main Street » est un peu exagéré, car en termes d’histoire, on n’est pas à Angkor Vat non plus.

 

« La route trace à travers d’infinies plaines dignes de celles du Midwest »

 

Passé Hanapepe, on entre dans le vif du sujet. Les maisons s’espacent, la végétation se fait plus rare, et Kauai, petite Amérique miniaturisée, vous propose sa spécialité, le changement complet de paysage en quelques minutes. Exit le café, out les fougères arborescentes, la route trace à travers d’infinies plaines dignes de celles du Midwest. Le moment idéal pour brancher l’autoradio sur Rooster Country Kauai, 99.9 FM, la station de radio country de l’île, bande-son idéale de ces routes de rêve, surtout en fin d’après-midi, quand c’est Alice Cooper qui lance les disques. La Highway atteint Waimea. C’est le moment de lui faire une infidélité, en tournant à droite vers le cœur de l’île.

Immédiatement, la route se met à grimper, l’océan à s’éloigner, la terre à rougir. Petit à petit, par les trouées à travers la forêt, un précipice se devine. Du sommet au bout de la route, la vue se dégage pour de bon et plonge dans le Waimea Canyon, hallucinante faille qui tranche la montagne en deux sur 16 km de long et 900 m de profondeur. Les plus chanceux y verront des arcs-en-ciel, les autres regarderont les ombres des nuages glisser sur la roche rouge brique tachetée de végétation, et les plus malchanceux chercheront à distinguer les « fifty shades of grey » dans le brouillard qui bouche assez souvent toute la visibilité. Surnommé le « grand canyon du Pacifique », le Waimea Canyon est presque aussi spectaculaire que celui du Colorado. Et sûrement plus étonnant, car il défie la raison : comment un truc aussi géant peut-il exister sur une île aussi petite ?

 

« Couper à travers les dunes pour déboucher quelques millénaires en arrière, sur la plage de Polihale Beach »

 

L’émotion passée, demi-tour et retour par la route en lacets jusqu’à la Highway côtière, que l’on retrouve à Kekaha, dernier saloon avant le désert, avec ses églises évangéliques qui bravent l’océan. Go west, again and again. Sur la droite, les pentes volcaniques se rapprochent. Tout au bout de la route, au bout du bout de l’Amérique, tout à l’ouest, quand il n’y a plus rien, continuer par la piste en terre qui cahote à travers les champs. Lorsque celle-ci devient assez sablonneuse pour avoir une chance d’embourber la vieille tire de l’ami Tony, s’arrêter et couper à pied à travers les dunes pour déboucher quelques millénaires en arrière, sur la plage de Polihale Beach. Interminable. Sauvage. Déserte. Fouettée par des vagues agressives et illuminée par des couchers de soleil multicolores. Bordée par les falaises noires et à pic de la Na Pali Coast, l’inaccessible côte nord-ouest de Kauai. Comme souvent sur cette île aussi minuscule que démesurée, véritable machine à remonter le temps, on a la sensation que voir débouler un brontosaure ne serait qu’une demi-surprise.

 

Sur la plage de Polihale Beach, à l’extrémité extrême de l’Amérique, à 15 km et une ère glaciaire de la civilisation, on goûte à cette sensation de douce solitude propre à certains endroits du monde. On sent qu’on ne peut vraiment pas aller plus loin. On s’y étale, et le temps avec nous. Mais il faut bien rentrer un jour. Demi-tour, Highway, 75 km, Kapaa, good night.