Jordanie : au cœur de l’envoûtante cité de Pétra

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  • 1/15 Le Sîq, Pétra

  • 2/15 La Khazné, Pétra

  • 3/15 Rue des Façades, Pétra

  • 4/15 Tombeaux royaux, Pétra

  • 5/15 Pétra, Jordanie

  • 6/15 La roche, Pétra

  • 7/15 Pétra, Jordanie

  • 8/15 Le tombeau à l'urne, Pétra

  • 9/15 Pétra, Jordanie

  • 10/15 Pétra, Jordanie

  • 11/15 Montée au Deir, Pétra

  • 12/15 Montée au Deir, Pétra

  • 13/15 Le Deir, Pétra

  • 14/15 Le Deir, Petra

  • 15/15 Dromadaire, Pétra

Le premier contact avec la doublement millénaire capitale des Nabatéens est souvent un panneau de signalisation, vers la droite, sur l’autoroute qui vient d’Amman. La route grimpe, serpente entre les chênes-liège, approche le château des croisés à Shawbak, le dépasse et arrive sur la crête de la barrière montagneuse qui surplombe la biblique vallée du Jourdain, à l’ouest. Peu de villages, peu de vie, quelques Bédouins qui se découpent sur la terre jaune, parmi les maigres arbustes. Il y a quelque chose de cérémonieux dans l’air. Au détour d’un virage, on bascule de l’autre côté de la crête. Loin en contrebas, la brume de chaleur enveloppe d’étranges formes rocheuses torturées. « Le site de Pétra », lance sobrement le guide, comme on lâcherait avec une fausse désinvolture, purement informative : « La Joconde est au bout du couloir, à droite ». Pas besoin d’en dire plus : on ne voit rien, mais cet endroit cache quelque chose, on le croit, on devine Pétra.

 

Et puis on descend, on s’en rapproche, de ces champignons rouges, plus étonnants encore de près que de loin. Quelques virages plus loin, la chaleur monte : on arrive au fond de la vallée, parmi eux. La route les évite par de grands virages, slalome. Elle n’a pas le choix. À Pétra, la roche décide, et les hommes s’adaptent. Une fois au fond de la vallée, le trajet vers Wadi Musa, la ville moderne qui s’est développée à côté de Pétra, ne dure plus qu’une quinzaine de minutes. En chemin, la route traverse une autre ville, construite dans les années 80 par le gouvernement pour les Bédouins, qui avaient ainsi consenti à abandonner les rochers de Pétra, où ils vivaient depuis des siècles. Ce sont eux qui connaissent par cœur le site, les innombrables sentiers qui le parcourent, les crêtes et les grottes. C’est ici que vous pourrez monnayer les services d’un guide pour, si vous le souhaitez, aborder Pétra par la face nord.

 

À Pétra, la roche décide, et les hommes s’adaptent

 

Pour le premier jour de visite, ceci dit, le parcours classique est bien assez riche en émotions. Il commence par quelques centaines de mètres de marche, en général sous un redoutable cagnard, jusqu’à une sorte de « clairière » sablonneuse. Au fond débute le Sîq. En arabe, le fossé. Un terme vraiment peu flatteur pour cet incroyable corridor sinueux, large de quelques mètres seulement, à la majesté d’une cathédrale, bordé de parois à pic rouges ou dorées par le soleil, lisses comme la main ou déchiquetées par les siècles d’érosion.

 

Pétra

Pétra

 

Par ici passaient les caravaniers avec leurs dromadaires chargés d’encens et de myrrhe acheminés depuis l’Arabie heureuse, l’actuel Yémen, et de poivre, de cannelle, de blé, de bois précieux, de gommes aromatiques, de singes, de paons apportés d’Inde. Entre le IVe siècle avant J.-C. et l’annexion romaine du Ier siècle après J-.C., une bonne partie des richesses mondiales de l’époque passait par Pétra, carrefour commercial tenu par le peuple nabatéen, anciennement nomade puis sédentarisé dans la merveille qu’il avait creusée, protecteur (et bienheureux taxeur) des caravanes. Aujourd’hui, on parcourt le Sîq tantôt comme en procession, fasciné, tantôt le nez en l’air, avec les pieds qui marchent tout seuls, irrémédiablement attirés par le prochain virage. En hauteur se détache parfois la surréaliste silhouette blanche d’un Bédouin en habit traditionnel, presque toujours en train de s’en griller une. A mi-chemin, des rochers taillés laissent deviner la sculpture d’une caravane de dromadaires. On suit le Sîq, de plus en plus enveloppé par son silence mystique. Et puis…

 

On suit le Sîq, de plus en plus enveloppé par son silence mystique. Et puis…

 

Un virage comme les autres, les parois rocheuses qui se rapprochent, se cachent les unes les autres, la sensation d’un travelling avant. Il y a quelque chose de différent dans la roche qui bouche le fond du Sîq, elle est humaine, elle est taillée en colonnes, sculptée. Elle prend de plus en plus de place, la tâche de soleil s’agrandit, la faille s’élargit… et puis la lumière surgit et la mer s’ouvre devant Moïse. Et le Trésor de Pétra, l’immense Khazné, explose aux yeux du minuscule piéton. Soldats romains, réalisateurs hollywoodiens, marchands phéniciens, touristes taïwanais, religieux byzantins, Bédouins, colons anglais, groupes d’Anglais en voyage organisé, écoliers jordaniens… 2400 ans, depuis les caravaniers arabes, que la ruse triomphale des Nabatéens fonctionne. 2400 ans que la façade de pierre de la Khazné, taillée à même le grès rouge d’une monstrueuse paroi rocheuse à pic, souffle le voyageur fasciné qui déboule depuis les entrailles du Sîq dans cette lumineuse esplanade de sable, fantastique caisse de résonance. Allez donc négocier à votre avantage, au pied de cette splendeur, le droit de passage de votre caravane d’encens ou le droit de vous ridiculiser à faire des selfies à dos de dromadaire.

 

Jordanie

Jordanie

 

L’expérience est si intense que Gizèle défie le plus chevronné des globe-trotteurs, le plus blasé des réfractaires aux vielles pierres, de réussir à détacher ses yeux avant au moins cinq minutes de contemplation hallucinée de la façade sculptée du Trésor de Pétra. Après 300 photos prises en slalomant entre les dromadaires nonchalamment assis au pied du monument (tout dromadaire qui se respecte est assis nonchalamment), on commence à retoucher terre, et la visite peut se poursuivre vers la droite et l’allée centrale de Pétra. Tout autour, des façades sculptées aux portes mystérieuses, des grottes, des tombeaux, de petits escaliers qui grimpent dans les rochers vers d’autres monuments, temples nabatéens ou église byzantine. A gauche, les ruines de la ville de Pétra. On pourrait en rester là, mais on en veut encore.

 

Ça tombe bien : reste la mythique montée vers le Deir, le « monastère ». Certains le disent : le Deir, c’est encore plus impressionnant que la Khazné. En guise de préambule, cette fois-ci, pas de Sîq, mais une bonne demi-heure de grimpette par un escalier taillé dans la montagne, au milieu des Bédouins, des marchands du temple et des ânes. Pour une arrivée tout aussi flamboyante face au monolithique monastère, à la façade encore plus massive et imposante que celle du Trésor. Cette fois, pas de canyon rocheux tout autour du monument. Moins écrasé, on peut prendre de la distance, et même gravir l’escalier jusqu’au sommet de la montagne. D’ici, la vue embrasse l’éternelle vallée du Jourdain, l’aride désert israélien du Néguev, le monastère du Deir dans son écrin rocheux et une grande partie du site de Pétra. Du haut de cette montagne, c’est plus de vingt siècles que l’on contemple.

 

 

Destination : Jordanie | Rubrique : La Vie des autres

Tags : jordanie

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