Brésil : Santa Teresa, le quartier anti bling-bling de Rio

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  • 1/10 Santa Teresa , Rio

  • 2/10 Escaliers de Selaron, Santa Teresa

  • 3/10 Le Bonde, Santa Teresa

  • 4/10 Bar le Cultivar, Santa Teresa

  • 5/10 Açaï et pao de queijo, bar le Cultivar

  • 6/10 Santa Teresa, Rio

  • 7/10 L'artiste Getulio Damàdo, Santa Teresa

  • 8/10 Santa Teresa, Rio

  • 9/10 Projet Morrinho, Santa Teresa

  • 10/10 Santa Teresa, Rio

Voir Santa Teresa, ça se mérite. Les plus courageux grimpent à la force de leurs jambes les petites rues raides et pavées qui symbolisent le quartier. Une ascension difficile mais vite récompensée. « Pour moi, c’est l’endroit le plus charmant de Rio, celui qui a vraiment une âme », confie Pauline Grosso, la gérante de l’auberge Casa da Gente, nichée sur les hauteurs de Santa. «  Comme il se trouve sur une colline, il a été un peu négligé. Il y a peu de commerces et de services. Du coup, les riches sont partis petit à petit, en laissant derrière eux de magnifiques maisons. Et la tranquillité de Santa a été préservée ». Il suffit en effet de se balader quelques minutes pour s’en rendre compte : chaque coin de rue offre des vues sur Rio à couper le souffle, les coins de verdure sont omniprésents et le quartier abrite bon nombre de maisons de style colonial aux murs jaunes, roses ou verts. Certains bâtiments sont délabrés et couverts de tags, d’autres sont entièrement rénovés. « Santa Teresa est protégé par un décret de protection environnementale, ce qui limite le type de construction », ajoute Pauline Grosso. Avec ses vieilles bâtisses et sa nonchalance apparente, Santa exprime une vision de Rio aujourd’hui disparue. Du pur esprit « saudade » résumé en quelques rues.

 

Malgré tout, le quartier a aussi les défauts de ses qualités. Préservé, oui. Mais il n’est desservi que par des motos-taxis et des bus qui roulent à toute allure dans les rues étroites, où il n’existe aucun feu de circulation. Fini le temps du « Bonde », ce tramway jaune, vieux de 115 ans, qui faisait la renommée du quartier. Un accident grave a poussé les autorités à le fermer il y a trois ans, avec derrière la promesse d’un réouverture rapide… qui n’a toujours pas eu lieu. Il n’en fallait pas plus pour que l’esprit rebelle de Santa Teresa se réveille. Partout, on peut voir des stickers du fameux « Bonde » marqué d’une larme, tandis que des artistes réclament le retour de leur mascotte en graffs ou en chansons.

 

A Santa Teresa, l’esprit hippie perdure

 

Car si Santa Teresa est surnommé le Montmartre de Rio, on est loin des bobo ultra-sappés de Paris. Ici, l’esprit hippie perdure. « Pendant la dictature, Santa Teresa est devenu le fief des artistes et des intellectuels menacés par le régime. Cet esprit à la fois rebelle et artistique est encore très présent aujourd’hui », explique Raphaël Santana, un Santa Teresien pur jus qui organise des visites du quartier. Lui aussi le confirme : Santa Teresa a conservé une âme carioca que la plupart des quartiers de la ville ont perdu. Il suffit de passer au Bar du Mineiro, un café historique rempli de photos et d’objets en tout genre pour s’en rendre compte. Ici, on rencontre autant de vieux habitués que de touristes qui sirotent un café de manha ou qui testent la fameuse feijoada, une spécialité brésilienne à base de viande et de haricots noirs. À Santa Teresa, on aime se démarquer. Et cela passe aussi par la bouffe. On se retrouve au bar Cultivar pour déguster des petits pains au fromage faits maison, quand la plupart des bars de Rio ont opté pour des produits plus industriels.

Et l’esprit de Santa ne se retrouve pas qu’en cuisine. Les artistes du quartier aiment aussi le retranscrire dans leurs œuvres. Les plus curieux pourront s’arrêter observer le travail de Getulio Damado. Ici, tout le monde le connaît et on le repère de loin : son atelier, en forme de wagon de l’ancien « Bonde », est rempli de bibelots. Son truc, c’est l’art de la récup’ : bouchons de bouteilles, morceaux de plastique, tout ce qu’on trouve dans une poubelle est bon. Une manière pour lui de lutter contre le gaspillage, encore très présent au Brésil.

Mais résumer Santa à son hippitude serait une erreur. Le charme se niche aussi dans le centre historique de cet immense quartier, entouré de quelque dix-sept favelas. Pour les cariocas, Santa Teresa est synonyme de mixité sociale. Une rareté à Rio. Raphaël Santana aime amener ses visiteurs dans ces quartiers oubliés du tourisme, comme la favela Pereira da Silva. Au détour d’une rue crade, derrière un incongru portail en bois, trône le « Projeto Morrinho », une favela miniature faite de briques et de babioles. Une œuvre commencée en 1997 par des jeunes du quartier et transformée depuis en projet artistique et social, qui attise la curiosité des touristes.