À La Havane, du street art à la cubaine au Callejón de Hamel

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  • 1/12 Callejon de Hamel, La Havane Callejón de Hamel

  • 2/12 La Mouche, Callejon de Hamel Callejón de Hamel Cuba La Havane

  • 3/12 Salvador, Callejon de Hamel Callejón de Hamel Cuba La Havane

  • 4/12 Callejon de Hamel, La Havane Callejón de Hamel

  • 5/12 Callejon de Hamel, La Havane

  • 6/12 Entrée du Callejon de Hamel, Cuba

  • 7/12 Callejon de Hamel, La Havane

  • 8/12 Callejon de Hamel, La Havane Callejón de Hamel

  • 9/12 Callejon de Hamel, La Havane Callejón de Hamel La Havane

  • 10/12 Baignoire, Callejon de Hamel Callejón de Hamel baignoire Cuba

  • 11/12 Santeria, Callejon de Hamel Santeria Callejón de Hamel

  • 12/12 Santeria, Callejon de Hamel Callejón de Hamel Santeria Cuba

Oui, il existe une scène alternative à La Havane. Elle fait à peu près 300 mètres de long. Pas très loin du mythique Malecón, le long boulevard qui longe la mer, la petite allée du Callejón de Hamel, aux faux airs de squat berlinois, tranche avec son environnement. Entre les rues Aranburu et Hospital, où l’on fait reluire nonchalamment ses belles américaines hors d’âge au pied des typiques immeubles havanais aussi craquelés que craquants, le peintre / sculpteur / muraliste / poète / et tout un tas d’autres trucs, Salvador Gonzáles Escalona, dit Salvador, a installé son musée à ciel ouvert.

 

Cherchez l’intrus : redécorée jusqu’aux citernes juchées sur les toits, la modeste ruelle compte pêle-mêle des fresques monumentales, d’assez géniales vieilles baignoires peintes remodelées en bancs publics, une sculpture de mouche géante, des types un peu lourds qui essayent de vous vendre des CD au profit d’une douteuse association, des crânes de boucs, des citations mystiques, des mannequins en treillis multicolore perchés, une autre baignoire perchée elle aussi. Bref, le tout monte assez haut dans la hiérarchie de l’originalité.  On allait oublier le bar bien agréable et surtout, l’atelier du maître où son assistant vous décryptera, en ne levant les yeux de sa partie d’Angry Birds sur son smartphone que pour vous proposer un cigare, l’œuvre de Salvador. « Il a toujours habité à La Havane. En 1990, il a commencé ce projet, inspiré par la culture afro-cubaine et la santeria. »

 

La santeria, une religion entre catholicisme et croyances vaudou

 

La religion de l’artiste, encore vivace à Cuba et dans les Caraïbes, mêle les croyances catholiques à celles, animistes, des anciens esclaves venus d’Afrique, principalement des actuels sud du Nigeria et nord du Cameroun. Cousine du vaudou importée du Togo et du Bénin, la santeria se base sur les orishas ( « ori » signifie « tête » et « shas », « divinités », précise monsieur l’assistant), des demi-dieux descendus sur Terre qui personnifient les omniprésentes et omnipotentes forces de la nature. À la lumière de ces explications, on comprend mieux la présence de L’oracle « Ifa », la fameuse mouche en fer qui marque l’entrée dans le Callejón, la création la plus récente de l’artiste au moment où Gizèle est venue torcher quelques Mojitos dans le coin. « La mouche, pour Salvador, représente à la fois l’insecte qui vient se poser sur la couronne du roi, au sommet, et la merde. C’est la balance, l’ambivalence des forces de la nature. »

Dans l’atelier, encore davantage marqué par cet univers que le reste de l’allée, plane l’ambiance étrange saturée d’encens propre au vaudou et à ses déclinaisons. Les crânes de bouc, les poupées aux yeux exorbités, les croix et tout le bric-à-brac provoquent à la fois une véritable fascination et un certain malaise. Et forcément, comme d’hab’, l’incontournable portrait de Che Guevara trône à côté du mot « Hamel ». Ce qui fait bien marrer les Allemands de passage, le mot signifiant, avec un m en plus, « idiot », dans la langue de Rosa Luxemburg et d’Erich Honecker. Comme quoi les pays frères, c’est bien fini. Mais Gizèle a dit qu’on ne parlerait pas de politique, donc on poursuit avec les tableaux multicolores de Salvador dans la pièce à côté, chacun dédié à l’un des orishas. Franchement beaux et intrigants. L’homme est tout sauf un peintre du dimanche : il a exposé un peu partout dans le monde et ses fresques, très demandées, recouvrent des murs du Venezuela au Danemark, en passant par l’Italie, et même… chez les Yankees.

 

Pour autant, s’il est là quand vous passez, l’artiste sera très accessible et accueillera avec reconnaissance, modestie et un énorme cigare au bec, les témoignages d’admiration. Preuve s’il en est du prestige (et de la sécurité) que lui confère sa reconnaissance artistique, Salvador se permet même, par petites touches, des messages critiques : son « Nave del olvido » (Navire de l’oubli), la baignoire bleue suspendue emblématique du Calléjon de Hamel, fait référence aux « solares », ces grandes maisons havanaises divisées en plusieurs logements, aux conditions de vie rudimentaires, avec notamment une seule salle de bain. C’est ça, être alternatif à La Havane, et c’est déjà beaucoup.