Rodrigues, la petite sœur sauvage de l’Ile Maurice

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  • 1/12 Plage, Rodrigues

  • 2/12 Randonnée, Trou d'argent

  • 3/12 Ile de Rodrigues, Vue d'avion

  • 4/12 Dans le bus local, Rodrigues

  • 5/12 Port-Mathurin, Rodrigues port mathurin rodrigues

  • 6/12 Anse aux Anglais, Rodrigues anse aux anglais rodrigues

  • 7/12 Coucher du soleil, Rodrigues

  • 8/12 Les fonds marins, Rodrigues

  • 9/12 île aux Cocos, Rodrigues ile aux cocos rodrigues

  • 10/12 Excursion, Ile aux Cocos iles aux cocos

  • 11/12 Au nord de l'île, Rodrigues

  • 12/12 L'heure de la pêche, Rodrigues

Quand vous tapez Rodrigues sur Google Maps ça fait ça : un pixel dans l’océan Indien, et encore, en zoomant bien. À 1h30 d’avion à hélice ou une journée et demie de bateau de Maurice, et des dizaines d’heures de vol d’à peu près partout ailleurs, la voilà, la Terra Incognita. Dès l’aéroport, un message vous intimant l’ordre de vous débarrasser de vos sacs plastiques annonce direct la couleur : ici, la nature a gardé ses droits. Importation, conservation et fabrication de sacs plastiques interdites. Vous vous apercevrez très vite que Rodrigues n’a pas le côté tape-à-l’œil de Maurice. Elle est plutôt du genre sans artifice. Plutôt frêles filaos – des arbres très fins – que cocotiers qui font des courbettes à l’appareil photo du touriste bon marché. Au premier abord, l’île offre un aspect rocailleux, presque aride. Sa steppe battue par les vents et sa côte déchiquetée par les éléments lui donne plus des airs de Bretagne que de contrée tropicale. Mais il y a ce lagon bleu turquoise. Celui que vous mettrez en fond d’écran une fois rentré(e) au bureau, histoire de faire baver d’envie vos collègues en mal de vacances.

 

Quand à Maurice, vous avez évoqué Rodrigues, beaucoup se sont extasiés sur son calme, sa beauté simple et l’accueil de ses habitants. D’autres ont fait la moue. Trop calme. Sous-entendu : « On s’y fait chier ». Clairement, l’île séduit davantage les adeptes de la tranquillité et de la déconnexion que les clubbers et les fashionistas. Les boîtes de nuit se comptent sur un doigt. Les hôtels aussi sont rares. L’île, qui a misé sur l’écotourisme, préfère les chambres d’hôtes. Mais attention, si vous vous prenez pour Robinson découvrant son île déserte, les bons sauvages vont vous surprendre. Et vous risquez de faire les frais de l’humour caustique rodriguais. Gizèle, elle-même, ne s’en est pas remise. Elle qui a salué avec enthousiasme tous les autochtones qu’elle croisait après qu’un chanteur de séga – la musique locale – lui a appris comment on disait bonjour en créole. Avant de s’apercevoir qu’en réalité, elle insultait copieusement les insulaires. Il y a aussi cette fille qui vous regarde comme si vous étiez dingue quand vous essayez de lui expliquer le concept du métro. Mais soyons réalistes : la plupart des Rodriguais causent français, colonisation oblige, et sont branchés sur iTélé.

D’ailleurs sur l’île de 40 kilomètres de long, pas besoin de métro. Il y a plein de bus et ils sont bien plus jolis que ceux de la RATP. Chevauchez un scooter si vous ne craignez ni la conduite à gauche (colonisation oblige, britannique cette fois), ni le tassement de vertèbres. Après le monde est à vous. Les routes étroites sillonnent les vallons verdoyants où paissent avec vue quelques chèvres et brebis. À chaque virage, le jeu des montagnes russes révèle un panorama de dingue sur le lagon translucide. L’autre option, c’est le stop. La rareté des touristes n’a pas encore lassé les Rodriguais. Et si les véhicules sont peu nombreux, ils s’arrêtent à tous les coups. En plus, vous n’avez aucune raison d’être pressé. La seule animation que vous risquez de rater, c’est le coucher de soleil et bien heureusement, il a lieu absolument tous les jours.

 

Côté sport, entre le kite surf et les spots de plongées, il y a de quoi faire.

 

Vous l’aurez compris, Gizèle ne s’est pas ennuyée à Rodrigues. Côté sport, entre le kite surf et les spots de plongées, il y a de quoi faire. On vous conseille aussi la petite rando de 2-3 heures qui part de Gravier à Saint-François. Et on vous paye l’apéro si vous croisez plus de trois touristes. Prenez aussi le temps de flâner au marché de Port-Mathurin, la ville principale, et de faire une balade sur l’île aux Cocos, toute plate. Dans cette réserve naturelle, les oiseaux sont chez eux comme dans le film d’Hitchcock. Ou encore admirez les piqueuses d’ourites, les pêcheuses de poulpes. Pour finir, n’oubliez pas de faire un saut chez un producteur de miel, très réputé, pour rapporter une ou deux bouteilles du délicieux nectar local.

À Rodrigues, même si on peut laisser sa voiture ouverte, il y a quand même une prison. Avec sa vue sur la mer et ses fresques colorées qui ornent le muret d’enceinte façon école primaire, « C’est mieux qu’à l’hôtel ! », se moque Johnson Roussety. Gizèle en doute un peu. Même si le colosse aux allures de Maori, propriétaire d’une petite chambre d’hôtes, connaît l’île comme sa poche. Il fut d’ailleurs l’un des présidents de l’Assemblée régionale, Rodrigues ayant un statut de semi-autonomie, avant de subir les affres de la politique. Et d’entamer une reconversion forcée, avec sa famille, dans l’hôtellerie.

Ici, on change d’échelle. On vous regarde avec des yeux ronds quand vous dites que vous venez de traverser l’île du nord au sud en scooter, soit 20 km tout au plus. On change aussi de temporalité. Pour l’organisation, pas la peine de prévoir. Tout est simple. Vos hôtes viendront sans doute vous chercher à l’aéroport. Pas la peine de stresser, ils connaissent les horaires des vols. Pour vos sorties ou vos réservations, c’est pareil. Tout le monde connaît tout le monde, alors en quelques coups de fils, on vous réserve une table au resto ou une sortie plongée. Un scooter ? On vous le livre dans l’heure à l’hôtel. À Rodrigues, il y a aussi, le prof de kite qui cherche désespérément l’amour au gré des touristes de passage venues prendre quelques leçons sur la côte sud, mais hélas reparties trop vite à des milliers de kilomètres de là. Il vous racontera les malheurs d’un mec de 20 ans sur une île de 40 000 habitants. Heureusement, il va enfin pouvoir tromper son ennui insulaire : un « ami français » lui a proposé de venir faire du ski dans les Alpes. Pour l’instant, il est en short de bain et, de la neige, il ne connaît que le givre de son congélateur.