Est-ce bien raisonnable de se ruer comme ça sur le duty free de l’aéroport ?

Il est là, brillant et clignotant. Il est le bar à hôtesses qui attend le marin revenu de mission. Il aguiche, il allèche. Vous êtes ce matelot qui brûle d’envie d’entrer. Pour être honnête, vous aviez repéré l’enseigne bien avant de passer la douane. Du coup, sitôt le portique franchi, vous enfilez en vitesse vos chaussures, remettez péniblement votre ceinture et vous ruez vers lui. Le duty graal. Vous voilà, débraillé et heureux, convié au plus délicieux des voyages : le passage au duty free. Souriez, vous êtes plumés.

 

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Mais est-ce bien raisonnable de se ruer comme ça sur le duty free de l’aéroport ? Alors que pour la moindre heure d’avion, nous emportons systématiquement un bouquin, deux magazines, une playlist à faire pâlir d’envie le DJ du Berghain, une tablette, un coussin gonflable (acheté dans un autre duty free) et une bouteille d’eau, voilà que nous choisissons de nous charger d’un kilo de plus en passant acheter « juste une bricole » au duty free.

Une fois dans cet enfer de luxe et de volupté, nous parcourons les rayons en apesanteur, emportés par les odeurs de parfum hors de prix, assaillis par les marques de cigarettes, hypnotisés par les néons qui se balancent au dessus de nos têtes. Tout a l’air si doux, si beau, si cher. Comme Gizèle, vous sombrez et succombez. Tous vos maigres euros y passent. Vous voilà prêts à prendre l’avion, avec en poche une bouteille de gin (vous ne buvez pourtant que du whisky), une cartouche de clopes (vous avez arrêté de fumer il y a 2 ans) et un paquet d’un kilo de M&Ms (de quoi vous assurer quelques aller-retour aux toilettes pendant le vol). Une seule question : pourquoi ?

 

L’euphorie du voyage et la course contre la montre vous font faire des folies. Vous passez à la caisse.

C’est vrai quoi, vous qui vous moquez allégrement des gens capables, la veille des soldes, de camper des heures devant la devanture d’un magasin fermé, voilà que vous succombez à la fièvre acheteuse. Mais vous n’y êtes pour rien. Cette mécanique-là est trop bien rodée pour vous. Car outre les néons hypnotiques et les odeurs entêtantes, il y a une donnée clé dans cette ruée vers le hors-taxe : le temps. Vous savez que les secondes sont comptées et que vous ne disposez précisément que d’une heure et dix sept minutes pour dévaliser le duty free, avant de vous envoler vers des contrées lointaines. L’euphorie du voyage et la course contre la montre vous font faire des folies. Vous passez à la caisse.

Dans certain cas, le dieu du duty free va même plus loin dans sa quête de dépense inutile (et d’arnaque éhontée) : il vous fait acheter une bouteille d’alcool dans votre duty free de départ, que vous devez ensuite rendre à la douane au moment de votre correspondance. Les douaniers ne veulent rien savoir. « Liquid not allowed », rugissent-ils dans vos oreilles bouchées par ces premières heures de vol.

 

Résultat : pris de court devant tant de réglementations absurdes, vous buvez votre litre de gin cul sec, puis vous vous empiffrez de M&Ms pour ne pas empester l’alcool. Votre haleine douteuse vient s’ajouter à l’odeur des dix parfums hors de prix que vous avez testé sur vos poignets. Sitôt assis, votre voisin de siège vous maudit. Tant pis. Vous vous endormez avant même le décollage. L’alcool vous fait ronfler. Douze heures plus tard, vous débarquez à Buenos Aires avec une gueule de bois monumentale, une odeur de diva et une haleine de marin. Dieu du duty free, Gizèle te maudit.

La rédaction

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